Les critères ‘‘Environnement’’, ‘‘Social’’, ‘‘Gouvernance’’ (ESG): Un levier de croissance pour les PME tunisiennes

22

Dans une situation économique mondiale critique, les petites et moyennes entreprises (PME) tunisiennes se trouvent devant l’obligation de suivre de nouvelles exigences, l’approbation des critères Environnement, Social, Gouvernance (ESG) n’est plus une alternative mais une obligation.


Les critères ESG, acronyme qui signifie Environnement, Social et Gouvernance, s’inscrivent dans une nouvelle approche d’évaluation extra financière de la performance d’une entreprise aux niveaux des aspects sociaux, environnementaux et de gouvernance.  Ridha Mrabet, ancien P.-d.g. d’une Sicar régionale, explique que l’intégration de tous ces aspects dans la performance de cette activité constitue le fonds d’un nouveau modèle économique. D’après lui, les critères ESG viennent pour formaliser la transition vers un modèle économique d’optimisation du processus d’emploi des ressources.

«Dans un contexte de crise environnementale, les entreprises doivent réduire leur empreinte carbone et mettre en place un système de bonnes pratiques pour une meilleure gestion des déchets notamment par la démarche de l’économie circulaire, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’électricité contrôlée, l’investissement dans les énergies propres et renouvelables ou encore la prévention des risques environnementaux», déclare Mrabet.

Pas que la performance financière !

Le responsable développe : «Il ne faut pas oublier que les préoccupations sociales occupent toujours une place centrale dans la démarche ESG. Elles concernent principalement l’emploi pour certaines catégories de population, les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, le non-respect des droits du travail. L’évaluation de ce critère prend en compte plusieurs aspects, comme la prévention des accidents, la formation du personnel, le respect du droit des employés, l’emploi des personnes handicapées, le dialogue social…». Selon Mrabet, il s’agit donc de s’assurer que l’entreprise est gérée en conformité avec les règles de droit. Notamment à travers l’indépendance du conseil d’administration, le traitement des actionnaires minoritaires, la lutte contre la corruption, la féminisation des conseils d’administration ou la transparence de la rémunération des dirigeants. «A travers l’ensemble des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, la performance financière n’est plus le seul indicateur d’évaluation de l’entreprise. En effet, l’évaluation doit mettre aussi en exergue l’impact positif sur la société et l’environnement», mentionne Mrabet. Et de poursuivre : «Je crois que pour le moment, ce sont surtout les grands groupes et entreprises qui sont les plus visés par les réglementations en relation avec les critères ESG. Mais certainement, l’approche pourrait s’étendre moyennant une ouverture progressive de ces obligations, peu à peu, à d’autres structures, comme les start-up, PME… Par exemple, des réglementations à l’échelle internationale sur la transition énergétique obligent les sociétés de gestion à expliquer la prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans la sélection des valeurs figurant dans leurs fonds». L’interlocuteur fait savoir que le Conseil du Marché Financier et la Bourse des Valeurs Mobilières ont mis à la disposition des entreprises tunisiennes un guide de reporting ESG se basant sur le fait que les activités des entreprises génèrent des conséquences non seulement économiques et financières mais également extra-financières. Ce guide présente les concepts de base et l’utilité de la démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et du reporting ESG, ainsi que les recommandations pratiques de leur mise en œuvre tout en laissant aux entreprises une marge d’analyse suffisante pour tenir compte de leurs enjeux propres et de leurs spécificités. Ce guide s’adresse, d’une part, aux administrateurs, dirigeants et cadres des entreprises cotées en Bourse, et, d’autre part, aux parties prenantes de l’entreprise (commissaires aux comptes, représentations du personnel, actionnaires, investisseurs…). Il est censé les convaincre de l’utilité de la démarche ESG aussi bien pour eux-mêmes que pour l’entreprise.

Un système accessible et fiable

«Donc, la mise en place de ce système est beaucoup plus accessible surtout en Bourse. Cette catégorie de sociétés dispose d’un système de contrôle et d’information qui est capable de fournir les indicateurs et les mesures fiables pour   pouvoir évaluer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. En somme, elle est précisément capable de répondre aux diverses questions se rapportant au taux d’émission de CO2 annuel et l’Empreinte carbone en général, à la consommation électrique de l’entreprise, à la corruption au sein de l’organisation à la différence de salaire entre les hommes et les femmes au sein de l’entreprise et à tous les partenaires de l’entreprise (nationaux ou internationaux) s’ils respectent ou non le droit du travail», indique Mrabet. Ainsi, et que ce soit dans les pays en développement ou bien dans les pays développés, les PME occupent une place importante et constituent l’un des leviers les plus dynamiques de la croissance économique et sociale dans la stratégie de développement de chaque pays.

«En Tunisie, les PME représentent une part importante dans l’économie tunisienne et constituent plus de 95 % des entreprises. L’avantage des PME aussi, c’est qu’elles peuvent recruter de la main-d’œuvre à faible qualification.

Elles permettent également de réduire l’exode rural en créant des entreprises dans les zones défavorisées et en améliorant les infrastructures et le cadre de vie. De plus, les PME constituent une passerelle très importante de passage de la sphère de la fonction publique ou privée vers la sphère des affaires, nous avons de vrais success stories qui témoignent des passages réussis. Donc, le concept PME lui-même renferme une composante essentielle parmi les critères ESG, à savoir l’inclusion sociale. Mais ce segment de l’économie en Tunisie, et malgré son importance, souffre énormément de la conjoncture économique actuelle aussi bien nationale qu’internationale, notamment au niveau de l’accès au financement, par, souvent, l’absence historique d’affaires et de relations avec les banques et les institutions de financement en général», mentionne-t-il.

Une stratégie ESG n’est pas aussi simple !

La mise en œuvre d’une stratégie ESG au sein d’une entreprise n’est pas aussi simple que l’on croit, d’après Mrabet. «L’approche doit se faire à plusieurs niveaux. Il faut tenir compte des pratiques commerciales et de la production, fixer des objectifs clairs et s’appuyer sur l’expertise des équipes internes qui nécessitent beaucoup d’informations ainsi que sur des consultants qui comprennent les complexités de l’organisation», ajoute le responsable. D’après lui, ce besoin d’expertise s’étend aussi aux outils logiciels qui nécessitent des adaptations pour arriver à un système d’information ESG fiable et optimisé. «Une stratégie ESG ou de développements durables bien fondés apporte de nombreux avantages aux entreprises, dont nous citons, à titre d’exemple, la consolidation de la rentabilité à travers la réduction des coûts par les systèmes écologiques sans papier, par le travail à distance et par d’autres politiques vertes pouvant réduire les frais généraux d’une entreprise. D’autre part, la meilleure notoriété de la marque, la fidélisation des clients à travers des produits fabriqués de manière écologique et socialement responsable et la bonne réputation peuvent entraîner une augmentation des ventes, du chiffre d’affaires et des bénéfices. Les entreprises soucieuses d’ESG peuvent aussi utiliser leurs performances vertes et sociales à leur avantage par plus de chances d’accès au financement et par des conditions meilleures. 

Mais, étant précisé que la question ESG a un impact positif important sur l’économie du pays à travers l’amélioration de ses indicateurs macroéconomiques et aussi des conditions de son accès au financement international», analyse Mrabet. Pour conclure il propose : «L’Etat doit prévoir à l’avance un plan de mise en conformité ESG destiné dans une première étape aux PME et dans une deuxième étape aux très petites entreprises qui pourrait s’articuler autour des points suivants: la prise en charge de l’accompagnement technique par des experts ESG ; la subvention de la démarche dans ces composantes matérielles, expertises et logiciels et enfin la création d’un Fonds ESG pour le financement de ces actions».

Laisser un commentaire